SENZA CENSURA N.22

march 2007

 

LIBAN: GUERRE "A BASSE INTENSITé"
Extraits de la conference de presse du Parti Communiste Libanais

A Propos de la "conference de Paris-3"
Le Parti Communiste Libanais a tenu, le mercredi 10/7/2007, une conférence de presse dans laquelle le secrétaire général du parti a mis l'accent sur les dangers contenus dans le programme économique que le gouvernement de Fouad Sanioura (ou ce qui en reste) a préparé pour la tenue de la " Conférence de Paris-3 " et qui, en fait, reprend les mêmes points et le même contenu du programme de la conférence qui devait se tenir à Beyrouth, au mois d'août 2006, et que plus de 500 000 personnes avaient refusé lors de la manifestation syndicale et populaire du 10 mai passé.
(...) Le prétendu " Projet de réforme économique " ainsi que la " Conférence de Paris-3 " expriment, en fait, le degré d'exacerbation atteint par la crise qui sévit au sein du régime politique libanais et qui menace l'unité de notre pays et de notre peuple. En effet, cette crise, aiguë, touche toutes les instances du pouvoir politique qui ont perdu toute la légalité dont elles disposaient, depuis la plus haute magistrature et jusqu'au parlement, en passant par le gouvernement. Ce qui fait que le programme mis au point pour la conférence de Paris ainsi que l'appui qui lui est accordé par certains Etats arabes et internationaux représentent, en fait, un appui à l'une des deux parties du conflit actuel, en l'occurrence le gouvernement de Fouad Sanioura, au dépens de toutes les autres.

Quelques remarques préliminaires :
1. Les deux précédentes conférences, Paris-1 et Paris-2 qui s'étaient tenues dans des circonstances régionales et libanaises moins aiguës que celles sévissant aujourd'hui, n'avaient pas fait grand-chose pour la sauvegarde de la situation économique au Liban. Bien au contraire : elles avaient eu pour seules conséquences l'augmentation de la dette publique, déjà importante, ainsi que la création de nouveaux problèmes sociaux. Dans le cas de la situation actuelle, il est à penser que les résultats seront pires que tout ce que le peuple libanais a déjà vécu.
2. Le Premier ministre Fouad Sanioura croit pouvoir se moquer du monde en disant que le programme économique qu'il vient de présenter fut rédigé au Liban, alors que tout le monde sait que les soi-disant " propositions " qu'il contient constituent des conditions posées, depuis longtemps déjà, par le FMI et la Banque mondiale. D'ailleurs, dans ce programme " made in Lebanon ", nous n'avons trouvé ni la fonction économique du Liban, ni son rôle prévu dans la région ; sans parler du déséquilibre entre les différents secteurs de l'économie libanaise que ce programme contient. Voilà pourquoi, nous disons au Premier ministre : ça suffit comme ça ! La majorité des Libanais refuse que vous continuiez à utiliser les points de litige existants sur le plan politique afin de faire passer des recettes que d'autres peuples, en Amérique latine et en Afrique ont déjà expérimentées et éprouvé les conséquences néfastes dans l'augmentation du taux de pauvreté à travers le monde.
3. Le gouvernement libanais actuel a poursuivi l'œuvre de ses prédécesseurs, vidant le " Conseil social et économique " de son contenu, puisqu'il refuse de faire de ce conseil le cadre des consultations supposées obligatoires à tout programme de réforme, surtout lorsque celle-ci touche de près à la vie des citoyens et à la stabilité économique et sociale du pays.
4. La fonction de toute l'aide attendue des participants à " Paris-3 " ne réside pas dans la création d'un climat qui permette le développement ou la réduction de la dette mais, plutôt, dans la reconsolidation de l'économie libanaise en tant qu'économie de services et de médiation. Une telle économie constitue, comme nous le savons, un obstacle au développement des secteurs productifs. En effet, le Liban importe, annuellement, pour la somme de 7 milliards de dollars, des matières et des services en provenance de l'Occident ; ce qui fait que l'appui dont notre économie bénéficie aujourd'hui n'a pas d'autre but que celui de garantir la poursuite d'une telle activité favorable aux économies occidentales.
5. Le projet pour la " Conférence de Paris-3 " a insisté sur le rôle des agressions israéliennes, y compris celles de juillet 2006, dans la destruction de l'infrastructure et, partant, de l'économie au Liban. Et comme les Etats-Unis, instigateurs des dernières agressions contre notre pays, sont les plus " enthousiastes " pour la tenue de la conférence de Paris, il nous est permis de nous demander pourquoi le gouvernement de Sanioura ne revendique pas de ses amis et supporters des compensations qu'ils doivent, ainsi que les Israéliens, à notre peuple.
6. Les Etats appelés à participer à la conférence sont, tous, des débiteurs qui réclament le payement prochain de la majeure partie des 16 milliards de dollars qui doivent être restitués en 2008. Ce qui explique, en grande partie, les mesures proposées dans la feuille de " Paris-3 ", dont, surtout, les privatisations qui permettent à ces pays d'acquérir pour des bouchées de pain les secteurs rentables appartenant au service public, dont essentiellement, le téléphone cellulaire.
7. Malgré les affirmations de Fouad Sanioura sur l'absence de conditions politiques à la réalisation de ce projet économique de la part des Etats donneurs, plusieurs points restent flous, surtout si nous prenons en considération ce qui est dit dans l'introduction du programme des " réformes " concernant le projet de " créer un Etat fort et modéré " au Liban. Cela va dans le sens d'une certaine ligne politique que Georges Bush tente d'appliquer dans la région ; et ce qui rend ces mesures encore plus dangereuses, c'est la proposition de liquider une partie des effectifs du secteur public en faveur de l'augmentation du nombre des forces armées en dehors d'une politique défensive définie ; ce qui implique des intentions visant à renforcer les services de renseignements dans des objectifs purement libanais ; et les prémices d'une telle politique se dessinent dès maintenant dans la répression et le dysfonctionnement de la justice.
Le PCL avait, dès le début des années quatre-vingt-dix et jusqu'à la promulgation du programme de la conférence non tenue de " Beyrouth-1 ", attiré l'attention sur les dangers de la ligne économique et sociale suivie par les gouvernements successifs. C'est qu'il voyait clairement que cela ne pouvait qu'aboutir à ce qui nous préoccupe aujourd'hui, à savoir : la crise dans le domaine de l'économie, l'élargissement de la dette publique, les problèmes sociaux graves, l'émigration des cerveaux, même si les responsables promettaient monts et merveilles aux Libanais.
Et si, aujourd'hui, il revient à la charge, c'est qu'il voit que ces responsables sont de plus en plus incapables de faire face à la crise socio-économique et qu'ils poursuivent, malgré tout, leur campagne de camouflage quant aux causes réelles qui ont abouti à la situation actuelle.
Il est vrai que la dernière agression israélienne contre le Liban est, en partie, responsable des problèmes que vit le Liban ; cependant, ce dont souffrent les Libanais est, en grande partie, antérieur à cette agression.
L'endettement énorme, la faillite des entreprises, l'escalade des taux d'émigration et la chute du niveau de vie sont aussi des indices qui ont marqué la vie libanaise depuis la fin des années quatre-vingt-dix, au moins. Ce qui veut dire que les causes de la crise résident dans les politiques économiques, monétaires et financières adoptées. Sans oublier une autre cause, structurelle, relevant de la nature même de l'économie libanaise dans laquelle les secteurs des services prédominent au dépens des secteurs productifs...
Ajoutons à cela une politique monétaire traduite par un mariage effectué entre les pouvoirs politiques et les grandes banques ; ce qui s'est traduit par l'acquisition de grands profits dans des temps record, à tel point que les capitaux de ces banques ont augmenté 20 fois en 15 ans contre une augmentation du PIB ne dépassant pas le double. De plus, la politique de stabilisation de la monnaie nationale a provoqué un grand déséquilibre à cause des taux d'intérêts exorbitants sur les bons de trésor et les différences voulues entre les taux d'intérêts sur la livre libanaise et le dollar... Ce qui a poussé l'épargne vers des secteurs non productifs, laissant l'industrie et l'agriculture sans armes face à la concurrence étrangère.
Il ne faut pas non plus oublier le rôle négatif des taxes et impôts indirects sur la consommation ni celui du gaspillage et de la corruption.
Aucun de ces facteurs n'est mentionné dans la feuille de réforme présentée par le gouvernement. Cette absence cache une position politique et de classe bien claire. Ce que le gouvernement veut suggérer, c'est que l'origine de tous nos problèmes est extérieure et elle n'a aucun lien avec les politiques adoptées. Et cela est suffisant pour mettre en doute les intentions gouvernementales et les capacités de ce gouvernement de sortir le pays de l'impasse dans laquelle il se trouve.
Les dangers de la feuille des soi-disant réformes résident dans les points suivants :
1. La feuille de "Paris-3" fait fi de la contradiction existant entre les capacités d'augmenter les impôts (indirects), même à partir de l'an 2008, et l'augmentation des prix des services généraux, tels le carburant et l'électricité, et les possibilités presque inexistantes de procéder à une diminution réelle dans les dépenses publiques, cette diminution que les gouvernements successifs avaient prônée dans les dix dernières années sans aucun succès, tandis que le pourcentage des impôts par rapport au PIB s'était élevé à plus de 50%.
2. Le programme des soi-disant réformes insiste sur le caractère indirect des impôts proposés ; cependant, il ne prend pas la responsabilité de s'arrêter ni sur le déséquilibre visible dans la répartition du PIB ni sur le phénomène de la pauvreté. Il ne tente pas de résoudre du problème des salaires gelés depuis 1997, surtout le SMIG, à un moment où l'inflation a augmenté de plus de 35%.
3. Les solutions aux problèmes sociaux sont, toutes, présentées sous la rubrique des promesses et des slogans à caractère général. Elles parlent d'une amélioration, indéfinie, dans les budgets de l'enseignement et de la santé. De plus, certaines solutions relèvent d'une tendance caritative envers des couches décrites comme faibles. Une telle tendance prendra sûrement la forme d'aides financières, minimes, à des personnes et des familles dont le profil est flou ; ce qui laisse supposer que ces aides devront passer incontestablement par les émirs des confessions et les représentants de la classe politique qui se chargeront de les donner aux proches et à ceux qui font profit des relations de clientélisme nourries par le régime politique confessionnel.
4. La feuille de la conférence de Paris s'est contentée de faire des allusions très générales aux problèmes vécus par les secteurs économiques productifs et aux solutions nécessaires à leur développement, bien que la crise économique au Liban soit, précisément, liée à ces secteurs qui souffrent d'une régression dans leurs capacités concurrentielles, l'augmentation de ses dettes, l'absence de programmes adéquats de financement et de réseaux de services de coût moyen. En contrepartie, cette feuille explique longuement les directives concernant les privatisations de certaines entreprises publiques, notamment le secteur des télécommunications, sans préciser pour autant les avantages économiques, financiers et sociaux d'une telle opération, surtout que la privatisation du téléphone cellulaire donnerait, au plus, 2,7 milliards de dollars tandis que sa rentabilité annuelle s'élève à près d'un milliard actuellement.
5. La feuille a ignoré complètement les problèmes des différentes régions libanaises. Elle ne fait mention d'aucune mesure visant la décentralisation économique et administrative qui constitue un affluent essentiel au développement économique et social du pays.

Les alternatives :
1. Développer les secteurs productifs de l'industrie, de l'agriculture et du tourisme en leur accordant l'aide et la protection nécessaires qui leur permettent d'acquérir une capacité concurrentielle réelle.
2. Remettre en cause le système monétaire dans le sens qu'il soit mis au service de l'économie nationale et non à celui des secteurs non productifs.
3. Créer des caisses pour le développement des régions et pour donner les motivations nécessaires aux projets productifs.
4. Adopter un régime fiscal juste, basé sur l'impôt progressif et limitant l'utilisation de la TVA.
5. Mettre la main sur le dossier des biens maritimes de l'Etat.
Oui, ce projet vise les intérêts des classes sociales pauvres et moyennes, des fonctionnaires, des ouvriers et de ceux qui pratiquent les métiers libéraux.
C'est un projet qui défend les seuls intérêts de l'alliance politico confessionnelle au pouvoir et des banques qui ont gagné des dizaines de milliards de dollars dans des spéculations relevant des taux d'intérêts et autres.
C'est un projet qui vise la liquidation des acquis sociaux des couches pauvres qui seraient à la merci des émirs de la politique, mais aussi la liquidation du secteur public.
C'est un projet qui augmentera les impôts indirects et la TVA (15% en 2008), mais aussi les prix des carburants.
Ce projet, qui vise à vendre les biens publics et les services de base, oublie de parler des droits de l'Etat dans le centre-ville de Beyrouth, confisqués par le groupe " SOLIDERE ".
Le PCL appelle au report de la " Conférence de Paris-3 " et demande au gouvernement de charger le Conseil social et économique de préparer un programme nouveau basé sur une politique économique allant dans le sens des intérêts du peuple libanais, du rôle du Liban et de sa fonction économique réelle dans la région. Une politique qui va dans le sens de prévenir l'émigration des jeunes par le développement des secteurs productifs et la création d'emplois effectifs.
Le PCL organisera des débats dans toutes les régions et les grandes villes du pays. Il couronnera ses activités par une manifestation qui aura lieu le 24 janvier, la veille de la date prévue pour la tenue de la conférence de Paris, si le gouvernement ne prend pas en considération les revendications des masses.



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